PAQUES, V., L’arbre cosmique dans la pensée populaire et dans la vie quotidienne du Nord-Ouest africain, Paris, 1964, 696 p.
«Au Matmata, la légende de la création du monde est étroitement liée au chacal, au corbeau et à deux montagnes jumelles situées autour du village: Treyya zerga (Pléiades bleues) située au sud-ouest et Treyya hamra (Pléiades rouges), qui est comme un serpent, au sud-est.
«On raconte qu’un jour le vautour ayant vu le chacal maigre et chétif l’a fait monter au ciel où il a pris un morceau de la lune. Le vautour alors a laissé tomber le chacal qui est venu atterrir au milieu d’une mare. Pendant sa chute, le chacal a supplié Dieu et a fait vœu, s’il ne mourait pas, de lui construire un marabout à coupole (qubba). Dieu l’a épargné». Une femme qui lavait son linge l’a vu tomber du ciel et a dit: «Je délire». Mais lui, pour «Celui auprès de qui il avait cru obtenir de la viande et du couscous au ciel», a répondu en se couchant sur le dos et en dressant en l’air ses quatre pattes: «voilà la colonne de la qubba, à vous de construire le plafond»… C’est le mythe du chacal qui, à deux reprises, monta dans la lune pour en dérober un morceau. La première fois, il a arraché le morceau du bas: la lune fut ainsi ouverte comme la matrice d’une femme. La seconde fois, il y demeura prisonnier un mois, à la suite de quoi il emporta un autre morceau. Les morceaux inférieurs de la lune tombèrent dans la mare et formèrent chacun une étoile. Ces deux étoiles jumelles, arrachées au premier ciel qu’est la lune, remontèrent ensuite au ciel. ..Ce sont les étoiles d’hiver, les étoiles sèches et stériles. D’elles sont sorties les six étoiles du froid qui sont la Grande Ourse. Celle-ci à son tour donna naissance à six constellations… Le chacal est un animal de sécheresse et d’hiver. Il arrive dès qu’il n’y a plus de fruits… Le chacal, après avoir volé le morceau de lune, descendit sur terre, épousa une femme-génie qui réside dans les profondeurs, puis remonta et épousa sa mère. De cette union sont issus les animaux actuels, fruits de l’inceste. (p 414-15-16).
DOUBLE : [lors des noces], «Dès que le mari se trouve en présence de sa femme, il lui donne sur le dos trois coups, autrefois avec son sabre, aujourd’hui avec sa canne. Par ce geste il tue Mabruka, la jumelle de son épouse (lui, son jumeau a été tué le jour de sa circoncision. » (p. 430)
HARRIPE, H.J. «Essai sur le folklore de la commune mixte de l’Aurès», Rev.Afr., 55, 1911, p 450-70
«La préoccupation de l’heureux père est de se procurer du foie de chacal à l’époque où l’enfant commence à manger. On prétend que les chacals ont sept foies. Les indigènes, même les plus intelligents, sont enclins à le croire parce que la tradition le leur appris. Le chacal incarne les qualités principales, aux yeux des Chaouïa, de finesse, d’habileté, qui le mène à son but sans encombre, avec une intelligence et une souplesse qui se jouent des obstacles. Le renard pour eux est un animal sot. Souvent l’Aurassien n’attend pas que l’enfant soit en âge de manger. Dès qu’il s’est procuré du foie de chacal, il le broie et après l’avoir mélangé avec du beurre, il en introduit un peu entre les lèvres du nouveau-né. » (454-5).